Le projet lié à la restauration du château fort et à la rénovation de la muséographie du Musée pyrénéen avait fait apparaître une évidence, celle de mieux connaître les différentes phases d’occupation du site et d’en comprendre les conditions d’implantation. Une étude du bâti a donc été confiée à L’INRAP qui en a livré la restitution lundi 22 mai en mairie de Lourdes.
« L’archéologue spécialiste du bâti a comme outil sa truelle, mais aussi désormais, la numérisation 3D » post de l’INRAP, suite à sa présentation à Lourdes, le 22 mai.
Une équipe de l’INRAP*, Institut National de Recherche en Archéologie Préventive, a mené, sur prescription de l’État (Drac Occitanie), une étude de bâti au château de Lourdes. Classé Monument Historique depuis 1995, cette intervention s’inscrit dans le cadre du projet de restauration et de rénovation du château lancé par la ville. Outre leurs observations de l’évolution presque perpétuelle du château, les archéologues ont pu réaliser un modèle 3D haute qualité de l’ensemble du fort et de l’éperon. C’est le résultat de cette étude, initiée en octobre 2021, qui a été présenté lundi 22 mai 2023 aux élus et à la presse. Un travail d’une richesse exceptionnelle mené et présenté par Catherine Viers, Responsable de Recherches Archéologiques, spécialiste du bâti qui enrichira les futurs outils de médiation du musée.
Connaître l’histoire longue de construction, d’aménagement et d’évolution des espaces bâti doit aboutir à obtenir une meilleure compréhension du monument dans sa globalité et donc en retracer l’histoire pour l’ensemble de la population et des visiteurs. C’était là l’objet de la commande de la Ville de Lourdes qui avait plusieurs objectifs en tête :
- récoler l’ensemble de la documentation historique existante,
- acquérir des données archéologiques de terrain sur la totalité des bâtiments et du rocher avec un relevé des élévations accessibles au matériel de prise de données (drone),
- réaliser des modèles 3D,
- réaliser un MNT (Modèle numérique de terrain),
- rédiger un rapport scientifique d’analyse des données collectées et de la documentation récolée.
Une étude approfondie sur mesure
En préalable, l’étude s’est fondée sur la relecture et la réinterprétation des sources écrites. Elle a mis en œuvre les techniques d’analyse propres à l’archéologie, croisées avec des jalons typologiques et chronologiques issus de l’histoire de l’art et de l’architecture. Cette analyse a permis de proposer un référentiel propre au château qui distingue les matériaux utilisés, les techniques de construction et de mise en œuvre, les formes architecturales qui caractérisent chaque époque.
La synthèse de ces différentes approches autorise une relecture de l’édifice, de l’époque romane au XIXe siècle. En effet, malgré une histoire mouvementée et des remaniements constants, l’édifice a conservé ses murailles médiévales. Elles ont été transformées et réaménagées au gré des luttes de pouvoir et de l’évolution de l’armement et des défenses.
Un drone pour la restitution en 3D
Face à l’inaccessibilité des ouvrages, dressés au bord d’escarpements abrupts, les archéologues ont utilisé un drone dont les images leur ont permis de restituer en 3D l’ensemble du château fort. L’image qui émerge est celle d’un édifice en chantier et en mutation perpétuels. L’abandon du statut de résidence comtale au XVIIe, a réduit l’aspect ostentatoire du bâtiment mais, stratégiquement, le fort reste un des points d’achoppement des mouvances territoriales par sa situation frontalière. Les reconstructions, réalisées dans l’urgence suite aux destructions successives, n’offrent pas l’occasion d’une restructuration générale, mais plutôt celle de la juxtaposition et de l’adjonction de constructions sans refonte d’ensemble, depuis le début du Moyen Âge jusqu’au XVIIIe siècle. Avec l’intervention du Génie militaire dès le début du XVIIIe siècle, le château devient l’objet de travaux de plus d’ampleur, réalisant et améliorant au fur et à mesure les préconisations exprimées par Vauban jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Aux origines du château de Lourdes
Sa situation géographique culminante, sur un éperon rocheux au point de contact entre la plaine et la montagne, à un carrefour dominant le Lavedan et un étranglement avec la frontière espagnole, font de l’éperon rocheux de Lourdes un site stratégique pour édifier une forteresse. Les découvertes de céramiques de l’âge du Fer, et de lapidaire funéraire Antique indiquent que l’éperon est fréquenté à ces époques. On ne connaît pas de source écrite antérieure au XIe siècle quand le château est mentionné, en 1085, comme résidence des comtes de Bigorre. Il est cédé en 1195 au vicomte de Tartas, soutien du roi d’Angleterre. Durant les XIIIe siècle et XIVe siècles, les rois de France, d’Angleterre et de Navarre se le disputent âprement et il change plusieurs fois de mains. En 1407, après un an et demi de siège, l’armée royale française conquiert le château. Durant le XVIe siècle, c’est aux catholiques et protestants de se le disputer. À partir de 1668, le fort sert de prison. En 1685, Vauban dessine un projet de modernisation des fortifications, qui sera mis en œuvre et amélioré au cours des deux siècles suivants, puis largement restauré à la fin du XIXe siècle.
*L’Inrap
L’Institut national de recherches archéologiques préventives est un établissement public placé sous la tutelle des ministères de la Culture et de la Recherche. Il assure la détection et l’étude du patrimoine archéologique en amont des travaux d’aménagement du territoire et réalise chaque année quelque 1800 diagnostics archéologiques et plus de 200 fouilles pour le compte des aménageurs privés et publics, en France métropolitaine et outre-mer. Ses missions s’étendent à l’analyse et à l’interprétation scientifiques des données de fouille ainsi qu’à la diffusion de la connaissance archéologique. Ses 2 200 agents, répartis dans 8 directions régionales et interrégionales, 42 centres de recherche et un siège à Paris, en font le plus grand opérateur de recherche archéologique européen.
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De gauche à droite :
Agnès Mengelle, cheffe du service conservation des collections, production des expositions Ville de Lourdes, Jean-Pierre Hourcade (Délégué départemental à la Fondation du patrimoine), Marc Jarry (Directeur adjoint scientifique et technique de l’INRAP, Thierry Lavit, Maire de Lourdes, Catherine Viers (Responsable de Recherches Archéologiques, spécialiste du bâti), Rachel Suteau, responsable du pôle Patrimoine culturel, Didier Delhoume (Conservateur Régional de l'Archéologie), Sylvie Mazurek, Maire adjointe en charge de la culture et du patrimoine culturel.
Publié le 23/05/2023