Mercredi 16 avril, le Palais des Congrès de Lourdes a accueilli une table ronde engagée sur les droits des femmes, intitulée De la violence à la résilience. Animée par Mélanie Santailler, cheffe de cabinet du Maire, cette soirée a rassemblé des intervenants de renom et des acteurs locaux engagés dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Le public, venu en nombre, a pu assister à des échanges riches, sensibles et porteurs d'espoir.
Un constat glaçant : la réalité des violences dans les Hautes-Pyrénées
Dès l’ouverture, Marie-José Assie, directrice du CIDFF (Centre d'information sur les droits des femmes et des familles) des Hautes-Pyrénées, a posé les chiffres : 16 féminicides ont été recensés dans le département depuis 2006. En 2024, 452 femmes ont été accueillies par le centre. Elle rappelle que "être une femme en milieu rural est une double peine puisque 47 % des féminicides ont lieu en zone rurale".
Le CIDFF joue un rôle d'information, d'accompagnement et d'orientation des femmes sur les questions de droit, emploi, parentalité, santé, citoyenneté et lutte contre les violences. À Lourdes, des permanences ont lieu les 1er et 2e jeudis du mois à France Services, 22 avenue du Maréchal Joffre. Des formations ont aussi été dispensées aux équipes du Centre socio-culturel Lorda, du CCAS et de France Services pour mieux accueillir, repérer et donc accompagner les victimes.
Informer pour prévenir : des outils concrets et des témoignages marquants
Djena Diarra, adjointe au maire de Montfermeil (93) chargée des Politiques de prévention et des Droits des femmes et fondatrice du Mag’VIOLENCES, a rappelé l'impact de l'information : "À chaque parution du magazine, les signalements augmentent". Distribué localement, ce magazine de prévention est co-écrit avec des associations.
Marc Domec, originaire de Lourdes, chargé d’enseignement à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chargé d'enseignement à l’Université Paris-Saclay et élève-avocat à l’HEDAC. Finaliste du Concours de plaidoirie du Mémorial de Caen, il a relaté l’histoire d’Henriette, victime de violences sexuelles en contexte de guerre au Congo. Il a également alerté sur un phénomène inquiétant : la précarité étudiante qui mène certaines jeunes femmes à la prostitution déguisée sous couvert de logements contre services ; "Ce phénomène touche tout le monde, quel que soit le milieu social".
Dans l’après-midi, Djena Diarra, Alexandra Dabas, responsable Master II Management de la Solidarité Internationale et de l’Action Sociale-Ircom, et Marc Domec ont animé une session d’échanges poignante des bénéficiaires du CCAS. "Ce qui permet la résilience, c’est la conscience que nous ne sommes pas seuls", a souligné Alexandra Dabas.
Des initiatives locales engagées au service des victimes
En deuxième partie de soirée, plusieurs acteurs locaux ont pris la parole pour présenter leurs initiatives :
- Leïla Benaouali, directrice de l’association Dans6T, a présenté la danse comme un levier de reconstruction. Son approche artistique et thérapeutique permet à de nombreuses femmes de retrouver confiance en leur corps et en leur histoire.
- Sara Sarrès Poimboeuf, directrice du Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile (CADA) de Lourdes, accompagnée de Nadège Coudeyre, référente “lutte contre les traites des êtres humains” au sein de la même structure, ont expliqué leur engagement auprès des femmes migrantes ayant subi des violences extrêmes. Le CADA dispose de quelques places spécifiques pour ces femmes vulnérables afin de leur permettre de se reconstruire dignement en sécurité.
- Karim Aiouaz, directeur de l’association Poing d’1pact65 à Tarbes, a exposé son dispositif Je boxe mes peurs, un programme qui utilise la boxe comme outil éducatif et de libération émotionnelle. “Nous voyons arriver des femmes avec de la tristesse dans le regard, mais grâce à l’ambiance bienveillante de notre association, elles s’ouvrent, se reconstruisent et repartent avec le sourire”, a-t-il partagé.
- Mohamed Dilmi, maire-adjoint à la Jeunesse et aux Sports de la Ville de Lourdes, président du Boxing Full Contact Lourdais et coach sportif, est également intervenu pour témoigner de son action dans la prévention du harcèlement moral, physique et numérique chez les enfants. Dans ses cours de boxe, il prend le temps de sensibiliser les jeunes aux dangers du harcèlement et d’échanger avec les familles.
- Christian Gélis, président du Conseil d’administration de la Caisse d’Allocations Familiales des Hautes-Pyrénées (CAF 65) et vice-président du Conseil d’administration de la Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF), a annoncé le lancement prochain du dispositif “Berceau” dans le département. Ce programme permettra aux mères victimes de violences de confier temporairement leurs enfants pour effectuer en toute sécurité des démarches médicales, juridiques ou administratives. Il a également rappelé que 78 aides d’urgence ont déjà été débloquées par la CAF 65 en 2024 pour des femmes victimes de violences conjugales.
Thierry Lavit : “Ne baissons pas les bras”
Le maire, Thierry Lavit, a conclu la table ronde:
“Les violences faites aux femmes est un sujet qui nous concerne tous. Pour le combattre, nous devons en parler. Libérer la parole est la première étape, douloureuse certes, mais nécessaire, de ce parcours de combattante. [...] Ne baissons pas les bras, encourageons les initiatives et les projets qui permettent d’améliorer le quotidien des femmes.”
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Un public touché, des engagements concrets
La soirée s’est achevée sur un temps d’échange avec le public.
Une ancienne victime a tenu à remercier la CAF : "J’ai pu m’en sortir grâce à eux".
Christian Gélis a rappelé que la résilience ne repose pas uniquement sur les aides financières : "Elle nécessite un parcours attentionné, tissé d’un partenariat solide".
Julien Lemaitre, élu à la Communication et au Commerce, a annoncé l’arrivée du dispositif Demandez Angela, un réseau de lieux refuges contre le harcèlement de rue (bars, hôtels, commerces...).
Enfin, un témoignage du public a résumé l’esprit de la soirée :
“Je ne suis pas directement concernée, mais j’ai pris conscience grâce à vous. Continuez à informer localement, c’est important.” Et une autre participante d’ajouter : “Il ne faut pas rester passif, mais devenir acteur.”
Les numéros utiles
- 3919 : “Femmes Violences Info” qui peut vous mettre en relation avec les acteurs locaux compétents.
- CCAS : 22, avenue Maréchal Joffre - 05 62 42 54 08 - franceservices@ville-lourdes.fr
- CIDFF Hautes-Pyrénées : permanences les 1er et 2e jeudis du mois à France Services, 22 avenue du Maréchal Joffre - 05 62 93 27 70 - cidff65@orange.fr
Publié le 18/04/2025