Interview de Marc Meyraud, organiste titulaire du Sacré-Cœur

Organiste titulaire de l’église du Sacré-Cœur depuis 1979, Marc Meyraud inaugure un nouveau rendez-vous culturel : Les heures d’orgue : l’orgue de A à Z. Tous les derniers dimanches du mois à 16 h 30, il propose une heure de concert gratuite et ouverte à tous. Rencontre avec un passionné qui dispose d’un répertoire colossal de 12 000 œuvres.
Comment avez-vous découvert votre vocation d’organiste ?
C’était à Ploërmel, dans un pensionnat en Bretagne. Il y avait une chapelle avec un orgue. Je m’échappais du sport obligatoire le midi pour aller à l’orgue. Et voilà, ça n’a pas beaucoup changé ! Ce qui m’a attiré dans cet instrument, c’est le fait que vous disposez d’un orchestre. Chaque jeu, chaque registre vous permet de créer des sons différents. On est chef d’orchestre et on fabrique sa propre musique, tandis qu’au piano, le son du piano, c’est le son du piano.
L’orgue du Sacré-Cœur, que vous avez conçu en 1992, est unique dans la région. Qu’est-ce qui le distingue ?
C’est un instrument d’inspiration allemande du XVIIIe siècle. L’orgue à tout jouer n’existe pas. J’ai choisi le style allemand parce que c’est celui avec lequel on peut faire le plus de choses musicalement. Bien sûr Jean-Sébastien Bach et tous les autres, mais aussi la musique du XIXe et du XXe siècle. C’est le plus polyvalent. Dans la région, je peux même dire que dans le Sud-Ouest, il n’y a pas d’équivalent.
Votre répertoire de 12 000 œuvres et 800 compositeurs est impressionnant. Comment l’avez-vous constitué ?
J’ai un côté encyclopédiste, c’est mon tempérament. J’ai toujours aimé les tâches solitaires. Rester dix heures d’affilée sur mon bureau ne me pose aucun problème. Je joue quarante heures par semaine et je suis constamment en train de déchiffrer de la musique nouvelle. Quand je dis 12 000 morceaux, ce n’est pas que j’ai des partitions à la maison, c’est que je les ai travaillées, limitées à l’orchestration et elles sont prêtes à jouer. Les partitions, j’en ai environ 40 000. J’ai un étage entier de partitions.
Je veux faire partager ce que j’aime.
Le concept « de A à Z » est original. Comment fonctionne-t-il ?
Mon premier rêve était de faire un marathon de l’orgue : jouer trois heures le matin, trois heures l’après-midi, tous les jours en continu et jouer les 12 000 œuvres. Ça fait environ 1 000 heures de concert. Mais le problème c’est qu’il faut avoir des gens qui viennent écouter ! La façon la plus simple de passer en revue ce répertoire, c’est l’ordre alphabétique. Depuis deux ou trois ans, je sélectionne ce que j’appelle les morceaux « plus plus plus », c’est-à-dire ceux qui sont vraiment intéressants à jouer pour le public. Des pièces particulièrement faciles à écouter : émouvantes, brillantes, spectaculaires. Pour la lettre A, je dois avoir au moins 300 pièces déjà sélectionnées.
Quel message souhaitez-vous faire passer sur la richesse de la musique d’orgue ?
Je souhaite me démarquer. Souvent, quand on va dans les concerts d’orgue, tout le monde joue les mêmes morceaux. J’ai tendance à ne pas jouer les morceaux connus. Ici, depuis trente ans, je m’oblige à ne pratiquement jamais jouer la même chose. Pour chaque messe, il me faut cinq morceaux. Ça fait environ 300 morceaux par an qui ne sont jamais les mêmes, et l’année suivante non plus. C’est un défi personnel. Je découvre toujours et j’amène les gens avec moi. La plupart des auteurs d’orgue sont totalement inconnus, car les grands compositeurs comme Mozart ou Beethoven n’ont presque pas écrit pour l’orgue.
Comment rendre ce répertoire accessible au grand public ?
D’abord par le choix des œuvres attrayantes. Ensuite, je regroupe les pièces par deux ou trois pour créer un spectacle. C’est exactement comme au théâtre : il faut des pics, des temps de repos. Une pièce douce suivie d’une pièce solennelle, puis d’une pièce brillante. Je présente aussi toujours les morceaux avec des anecdotes sur la vie de l’auteur ou sur le morceau. J’explique pour que les gens sachent écouter. Je sais depuis des années que ça intéresse beaucoup les gens.
Quelles sont vos ambitions pour ces Heures d’orgue ?
Ce que j’aime, c’est faire partager ce que j’aime. Je veux faire entrer les gens dans le monde de l’orgue comme j’y suis. C’est pour ça que je n’ai pas appelé ça « concert » exprès, j’ai appelé ça « audition ». Il n’y aura pas de panier, pas de quête. Je veux que ce soit vraiment uniquement l’aspect partage. On vient entendre cet orgue magnifique qu’on n’a jamais entendu ailleurs, parce que je ne l’ai jamais fait entendre en concert ici. J’ai joué une fois en concert ici en 1997, je crois.
Si vous deviez choisir deux œuvres à absolument faire découvrir aux Lourdais ?
La Sixième sonate de Mendelssohn sur le cantique protestant Notre Père, qui est extraordinaire. Le Prélude et fugue de Franz Liszt, une œuvre monumentale extrêmement difficile. Liszt a révolutionné la technique du piano, et ce prélude sur les quatre lettres du nom de Bach (si bémol, la, do, si) est sûrement le plus réussi parmi tous les hommages rendus à Bach. Et puis il y a des œuvres très plaisantes d’auteurs italiens de la fin du XIXe siècle, quand on jouait des polkas à la messe. C’est très amusant, ça ressemble à de l’opéra, du Verdi. Les gens adorent.
Ces concerts sont-ils ouverts à tous, en dehors du cadre religieux ?
Oui, c’est culturel et ouvert à tous. Je ferai toujours un petit clin d’œil : chaque concert sera proche d’une fête liturgique, mais les personnes qui ne vont pas à la messe et viennent simplement pour découvrir la musique sont les bienvenues. La musique en elle-même n’est pas religieuse, sauf dans l’esprit de l’auteur qui l’a écrite. Si vous ne savez rien du contexte, c’est juste de la belle musique.
Les heures d’orgue : l’orgue de A à Z
Tous les derniers dimanches du mois à 16 h 30
Église du Sacré-Cœur, Lourdes
Entrée libre et gratuite
Durée : 1 heure